… O'Rana …

14 janvier 2015

Semaine “Charlie”

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Une semaine pas très ordinaire vient de se dérouler…

Depuis mercredi dernier, beaucoup de choses ont changé pour un grand nombre de personnes. Pourquoi? Pourquoi l’exécution de quelques personnes, si peu en comparaison du massacre de 2000 malheureux au Nigéria, pourquoi ce tragique évènement a t-il eu tant d’impact sur nous tous?

Parce qu’il a touché à un élément sacré, un des fondements de notre pays: la liberté d’expression. Pas toujours respectée pourtant et parfois utilisée à tort, elle nous semblait finalement totalement acquise. Jusqu’à mercredi dernier, je ne m’étais même jamais posé la question de savoir si j’avais ou non le droit de dessiner ou de dire quoi que ce soit… Bon c’est vrai, je ne suis pas du style militante, provoc’, ou autre… mes dessins, quand ils passent un message, ne sont pas franchement bien méchant et ne dérangent personne (enfin, si peut-être les DBPA, Défenseurs de la Bonne Perpective et Anatomie), et dans mes paroles, à part le résumé de mes quelques déboires avec Darty, l’URSSAF, le RSI, et autres, on ne peut pas dire que je dépasse les bornes de la limite du bouchon, Maurice!

Cette liberté n’est pas la même dans tous les pays, dans certains (beaucoup en fait), elle n’existe pas vraiment… Mais chez nous, en France, elle fait partie de nos vies.

Alors comment arriver à comprendre, quand on a été bercé par l’assurance de pouvoir s’exprimer librement, le fait que 2 gars armés jusqu’aux dents puissent entrer dans une rédaction et décimer des journalistes, rédacteurs et dessinateurs, juste pour avoir fait leur travail?? C’est dans cet état d’incompréhension, c’est parce que, quelques heures après tout ça, je n’arrivais pas encore à assimiler ce qui venait de se passer, que j’ai dessiné ça:

especes-protegees

Pourquoi? Comment est-ce possible?

Et puis le retour à la réalité de la vie.

Non, les massacres n’arrivent pas que dans des pays lointains.

Non la guerre et l’horreur ce n’est pas si vieux que ça…

Non les droits que nous avons ne sont pas acquis…

Je suis née en France dans les années 80, je n’ai rien vécu de tout ça. Je suis blanche, athée de conviction mais baptisée dans la religion catholique (on ne m’a pas demandé mon avis soit dit en passant), je n’ai pas de handicap (pas visible en tout cas!, à part ma blonditude affirmée et assumée), je suis une banale fille de type européen (un gros mélange en fait), je suis ni trop, ni pas assez (enfin, y’a des kilos en trop quand même), je suis hétéro, je suis mariée et j’ai 2 enfants (bon, y’en a une qui est née 3 ans avant le mariage…), BREF, je suis pratiquement transparente aux yeux des détraqués, des racistes, des envieux, des jaloux, des intégristes, des intolérants, des traditionalistes purs et durs, … et j’en passe… Du coup quoi?? et bien du coup, j’ai eu la chance de passer 31 ans sans avoir à me préoccuper de déranger les autres, sans avoir à me cacher, sans avoir à me taire… et je n’ai pas connu la faim, la peur, la haine, l’horreur, l’absence d’avenir, la honte, … Je sais que tout cela existe, je sais que cela fait partie de la réalité, je sais et je ressens car je suis une éponge, mais je ne le vis pas.

Alors, je regarde mes enfants, et je me dis que j’ai peut-être fait une gaffe, une grosse gaffe en les mettant au monde…

Et puis j’allume la télé et je vois l’autre face de la pièce, l’autre visage des Hommes. Le rassemblement, la ferveur collective, la solidarité… Une marée humaine sort de l’ombre. La cause commune rassemble les personnes les plus différentes, les plus opposées. Je me suis fait la même réflexion qu’à l’enterrement de mon grand-père: pourquoi faut-il que la mort frappe pour que les gens se retrouvent? Ce jour là, c’est ma grande-tante que j’ai rencontré; ces derniers jours, ce sont des milliers de personnes qui ont ouvert leurs bras, leur cœur, et qui se sont embrassés. C’était beau. J’aurais aimé y être, me baigner dans ces ondes positives, et faire le plein d’espoir avec les autres… Pour une fois, j’aurais pu éponger autre chose que de la m*rde…

Là je reprends un peu espoir… je me dis que finalement on n’est pas tous bons à jeter à la poubelle, que mes enfants vont peut-être avoir droit à une belle vie puisqu’ils ont eu la chance de naître en France et d’être comme moi, transparents aux yeux des intolérants. Je suis malade pour les autres enfants: ceux qui n’ont pas le même horizon qui se dessine pour leur avenir, ceux qui vivent déjà dans l’horreur, et qui, pire que ça, n’ont connu que ça et croient que la vie c’est ça, c’est seulement ça, le malheur, la souffrance, la peur, la honte, les cris, et les larmes. Je suis malade pour eux, et si je ne veux pas m’effondrer dans un abysse sans fond de culpabilité et d’impuissance, je suis obligée de reléguer leur existence au fin fond de ma conscience. Mais je ne les oublie pas, et je n’oublierai plus jamais non plus, depuis le coup de pied dans le derrière que nous venons de prendre, que les droits que nous avons sont des biens précieux et fragiles…

Je regarde à nouveau mes enfants. Ils dessinent simplement, sans se soucier de l’actualité. Ils ne sont plus totalement innocents, car même très jeunes ils comprennent beaucoup de choses. Ils ne sont pas si sereins que l’on pourrait le croire: leurs priorités et leurs peurs nous paraissent dérisoires, mais elles sont aussi importantes pour eux que les “problèmes de grands” pour nous les adultes. Mais ils dessinent…

enfants

A la naissance, nous sommes tous des pages blanches, nous sommes le bien et le mal en devenir, nous sommes vierges de toute influence, croyance, morale, … Nous sommes humains, nous pouvons être grands, il faut juste croire en nous.

Je reviens dans mon domaine, le gentil, le mignon, car c’est mon chemin. Mes dessins continueront, j’espère, à accompagner les enfants. Je veux les inonder de tendresse, les submerger d’ondes positives, car plus tard quand ils auront à faire face à des questions difficiles, des “problèmes de grands”, ils pourront replonger quelques minutes dans ce petit monde magique pour faire le plein d’espoir… enfin, j’espère.

Cela fait une semaine maintenant, une semaine de mobilisation générale… quelle sera la suite? Notre devoir: toujours se remettre en question, ne jamais rien oublier et œuvrer ensemble pour offrir un avenir à nos enfants.

A vos crayons!

Sarah

 

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